[Convocation] - Nara et Shigo

Mission de rang B

Le seigneur Netamu, de la province Negi au sud de Konoha, a réclamé ce matin même les services du village. Les ninja mentionnés plus bas devront remplir la mission suivante sous les ordres du capitaine Taiko.
Une kunoichi de Suna est parvenue à s'introduire dans le domaine privé du seigneur Netamu, et a volé des informations strictement confidentielles. Elle est actuellement en fuite vers la frontière, certainement accompagnée de deux à trois ninja dont l'identité est inconnue. L'objectif est de récupérer cette kunoichi et de la ramener au seigneur Netamu, qui décidera de son sort. Afin de préserver la bonne entente établie entre les pays du Feu et du Vent, il est fermement recommandé de ne tuer aucune des cibles.

Sont convoqués pour cette mission :
- Nara Shikamiko
- Shigo Haji

Réveillée abruptement d’une odieuse façon par son chat qui lui laissa, au passage, un joli souvenir sur la joue, Shikamiko s’était levée bien avant l’aurore, sous un ciel couvert de menaçants nuages grisâtres. Ce qui, naturellement, n’avait rien fait pour arranger son humeur qui s’annonça massacrante dès l’instant où elle posa son pied sur le plancher de sa chambre. Emportant un parapluie, se rappelant qu’il était *monstrueusement* troué juste au-dessus son front (où avait poussé un bouton, peut-être petit mais affreusement rouge, comme par magie au cours de la nuit) un peu trop tard. Jetant l’objet inutile par terre, la kunoichi s’était mise à courir jusqu’à l’étable où l’on s’occupait des cerfs. Bien entendu, le terme ‘on’ était relatif. Elle s’en occupait le plus souvent possible pour plaire à son père, ou du moins, c’était ce qu’elle croyait.

Le travail fait, elle remonta la petite route de terre jusqu’à atteindre la ville qui resplendissait sous les rayons de l’aube naissante. La kunoichi s’arrêta un moment, savourant la vue prenante de Konoha, à six heures du matin. Elle aimait bien se balader dans les rues proprettes de la basse ville, regarder les étals des magasins de produits fins et savourer l’odeur de pain frais qui venait de la boulangerie. Les gamins braillards et agaçants n’étaient pas encore sortis du lit dans le seul but de l’importuner et elle put marcher à son aise sur le pavé sans devoir répondre à des questions impertinentes ou entendre des cris perçants. Il lui était tellement agréable de sentir les rayons d’un soleil timide sur sa peau humide de la pluie matinale, d’envoyer la main à Mme Nana qui était prise dans une irrésistible envie de nettoyer ses fenêtres un samedi matin ou simplement…

Ses pensées aléatoires furent abruptement coupées par le piaillement d’un oiseau qui lui était très familier.
* Encore une ? Bah, pas grave, tant que ce n’est pas une stupide mission de rang C comme celle que j’ai eue la semaine dernière…*

Se dirigeant à petits pas sautillants vers les bâtiments administratifs, les mains dans les poches, sifflotant le dernier hit qui passait presque en boucle à la radio, Shikamiko recommença à rêvasser, renversant par ce fait un gros marchant qui transportait un tonneau d’oranges. Voyant du coin de l’œil l’homme se tourner vers elle, les poings menaçants, elle prit la poudre d’escampette, courant jusqu’aux portes d’une large bâtisse de béton gris sous de grands cris rageurs. Elle se glissa avec aisance à l’intérieur, saluant les personnes qu’elle connaissait; Ura la jônin pouffiasse qui restait souvent là par besoin de potins juteux, Kentou le dragueur qui semblait ne jamais avoir de missions, Chiki le professeur de l’Académie et Sukebe le chûnin taciturne.

*J’les aime pas ces types là… Il n’ont rien de mieux à faire que d’envoyer des gens à l’abattoir et de compter combien vont en revenir…*

Se présentant devant le comptoir, adressant au passage un sourire ou deux à des ninja qu’elle ne connaissait que de vue, Shikamiko n’eut même pas le temps d’ouvrir la bouche avant qu’on lui plante l’avis de mission dans les mains.

''Et la politesse dans tout ça ?'' Fit-elle avec un léger sourire moqueur à un Sukebe las et ennuyé.

Se tournant vers la porte, lisant son avis de mission, elle s’arrêta brusquement en lisant les noms au bas de la liste, soudainement blanche comme neige.

*Oh, merde.*

Une heure auparavant, Taiko avait été mis au courant de la mission qu'il aurait à effectuer, en compagnie de deux jônin qu'il n'avait jamais vraiment fréquenté mais qui ne lui étaient pas inconnus : l'héritière du clan Nara et un Shigo - inutile de préciser que dans la ville haute, la réputation de cette famille était faite. Taiko n'avait rien dit ; il s'était contenté de saluer respectueusement la Hokage et avait quitté la pièce, non sans lui avoir assuré que cet embêtement serait réglé au plus vite. Les hommes riches tels que le seigneur Netamu étaient de ces clients que les shinobi de Konoha s'appliquaient à satisfaire au plus vite.
En attendant que ses équipiers du jour rejoignent le bureau de distribution des missions, Taiko était allé s'asseoir dehors, sur le toit du bâtiment - d'abord pour les voir arriver de loin, mais aussi parce que regarder la ville s'éveiller, ses rues se colorer avec les gens qui l'emplissaient, la rumeur des conversations s'élever dans l'air matinal, était un spectacle simple qu'appréciait le jônin. A vingt-cinq ans, il avait un bon nombre de missions derrière lui et une expérience du terrain appréciable, mais il était de ceux qui tâchent de ne pas se faire remarquer, aussi ne comptait-il à son actif aucun grand fait qui lui eut apporté l'admiration de ses pairs. Il se fondait dans la masse, et de son point de vue ça n'était pas plus mal. Même son apparence physique n'avait rien d'exceptionnel : Taiko était de taille moyenne, mesurant un peu moins d'un mètre soixante-dix, coiffait ses courts cheveux bruns en arrière à l'exception de quelques mèches indisciplinées sur ses tempes ; il portait l'uniforme réglementaire des ninja, un tee-shirt noir à col roulé et manches longues sur un pantalon de la même couleur, sans oublier la veste verte et les indispensable sandales ; ses yeux noisettes lui conféraient un regard doux, mais il paraissait toujours un peu fatigué, en raison des cernes qui alourdissaient ses paupières inférieures, de son teint pâle et de ses joues creuses. Taiko n'était pas spécialement bavard, mais cela ne faisait pas pour autant de lui quelqu'un d'associable : il avait ce qu'il fallait d'amis et de relations pour ne pas avoir l'air trop seul, et acceptait volontiers la compagnie de ses collègues, sans toutefois aller jusqu'à la rechercher de lui-même. C'était quelqu'un de réservé et de poli, qui effectuait sans discuter les tâches qu'on lui attribuait. Au long de sa carrière de shinobi, Taiko avait eu l'occasion, comme beaucoup, de perdre des équipiers, parfois proches, aussi lui arrivait-il de se rendre sur la stèle de ceux tombés au combat. Il ne regrettait pas tellement ceux qui étaient partis, car il s'agissait du cycle normal de la vie des ninja, et qu'il savait bien qu'un jour son nom figurerait aussi sur cette pierre.
C'était ce genre d'homme qui, perché au-dessus de la tête de Shikamiko lorsque celle-ci pénétra à lintérieur du bâtiment, rejoignit la rue d'un bond souple et entra à sa suite. Il la vit récupérer l'ordre de mission déposé là à son intention, le consulter rapidement et blêmir. C'est à ce moment-là que Taiko s'approcha d'elle afin de la saluer.

"Shikamiko Nara ? dit-il, Vous ne me connaissez sans doute pas, alors autant que je me présente : mon nom est Taiko, c'est moi qui dirigerai l'équipe lors de la mission ordonnée par le seigneur Netamu. Enchanté de vous rencontrer."

Il s'était exprimé d'une voix posée et un sourire poli ornait ses lèvres.

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Changeant aussitôt d’expression, se maudissant intérieurement, Shikamiko lui rendit son sourire, quoique plus largement.

*Bordel, maintenant j’ai l’air de la femelle faiblarde… Non, j’ai plutôt une réputation dans le milieu. Il doit avoir fait le lien avec le bâtard de mon père s’il est assez penché potins. Et même s'il ne l'est pas, toute la ville est au courant…*

''Enchantée de vous connaître…'' fit-elle ''… c’est étrange que je ne vous aie par remarqué auparavant, habituellement …'' Continuant à papoter de tout et de rien, parlant tantôt de la température, du nouveau bar qui avait ouvert ses portes, du salon de thé qui avait entièrement brûlé la semaine précédente et du tournoi des Chunins qui allait avoir lieu dans quelques semaines.

Bien qu'ayant l'air tout à fait concentré à dire des banalités avec un enthousiasme feint, la tête de Shikamiko était ailleurs. Elle n'avait jamais rencontré son demi-frère, si l'on pouvait le qualifier de la sorte, et avait évité jusqu'ici toutes rencontres à plus de 10 mètres de distance, préférant engager une conversation avec la maquerelle du coin que d’échanger un regard avec lui dans une rue surpeuplée, elle avait mainte et mainte fois maudit sa meilleure amie Amai d'habiter dans un quartier si près de l'endroit où il habitait. Toutes ces années de cache-cache et de tours de passe-passe pour n'avoir à faire aucune mission avec lui, pour qu'il doute presque de son existence (*Il doit bien savoir qui est son père, et par le même fait, sa soeur... c'est l'un des secrets les moins bien gardé en ville*). C’était rageant. Elle ne savait vraiment pas quoi faire. À part être froide, distante et caustique. Aurait-elle seulement la force de le regarder dans les yeux ?

*Assez. Concentration. Si je continue à perdre mon temps avec ce type, cette fille du désert aura le temps de filer et je ne veux pas faire rater cette mission à cause d'un quelconque problème personnel. *

''Je crois que nous devrions attendre le dernier membre de l’équipe dehors, on lui expliquera la situation en chemin ; il va falloir mettre les bouchées doubles pour rattraper ces gens de Suna et on n’a pas de temps à perdre même s’ils seront désavantagés par un terrain plus ou moins inconnu.''

Fit-elle à voix basse, coupant court une passionnante conversation sur le peu d’efficacité des nouveaux shurikens qu’on fournissait aux genins en grande quantité.

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Sans se départir de son sourire poli, Tako avait répondu à son interlocutrice qu'elle ne pouvait pas connaître tous les ninja de son propre village - Konoha avait trop gagné en importance pour qu'ils se connaissent tous entre eux -, et que de plus, il était souvent envoyé en mission loin du village.

"C'est en partie pour cette raison que notre mission en commun m'a été confiée, poursuivit-il, Ces deux dernières années, j'ai rempli un bon nombre de missions dans cette partie du pays, souvent en étroite collaboration avec les ninja du Sable, quand nos deux villages se trouvaient concernés."

Il passa aussitôt à autre chose, évitant de s'étendre plus avant sur ce sujet. Non seulement cela n'intéressait pas Taiko de discuter de sa routine, mais de plus certaines des missions auxquelles il avait fait allusion avaient été classées "secret défense", pour ainsi dire ; même l'héritière du respectable clan Nara n'avait pas à en connaître les détails. Après quelques minutes d'une conversation des plus banales, Shikamiko suggéra d'aller attendre le dernier membre de leur équipe à l'extérieur, aussi les deux ninja se retrouvèrent-ils à poursuivre leur discussion sous le soleil matinal. La rue sur laquelle donnait le bâtiment administratif n'était pas encore très encombrée : seuls des ninja la traversaient, pour se rendre dans les autres bâtisses du même type.

"Il y a de fortes chances pour que les ninja de Suna auxquels nous ayons à faire aient une bonne connaissance des lieux, suggéra Taiko, Après tout, la kunoichi qui a réussi à approcher Netamu n'a pas dû s'y prendre du jour au lendemain, il s'agit sans doute d'une infiltration à plus long terme. Quelques semaines leur auraient très largement suffi à élaborer un plan de fuite, vous ne pensez-pas ?"


Le jônin ramena en arrière quelques mèches indisciplinées qui barraient son front.

"Quoi qu'il en soit, comme vous l'avez dit, il faudrait partir au plus vite. Le retard de Shigo risque de nous porter préjudice. Après un soupir, il ajouta : S'il n'est pas arrivé d'ici dix minutes, nous devrons demander à le remplacer sur cette mission. Partir à deux présente trop de risques, quand le nombre d'ennemis reste incertain."

Haji traversa le village en un temps record, sautant d'un toit à l'autre pour éviter la foule, tout en marmonnant diverses injures bien senties contre ses employeurs. Missions urgentes ou pas, on ne reprenait pas les congés accordés par l'administration - comme si ça n'était pas déjà assez dur de les obtenir, tiens. Pour les ninja, et peut-être encore plus pour les jônin, qui enchaînaient les missions pénibles de longue durée, les jours de repos, c'était sacré. Il arriva aux bâtiments administratifs par l'arrière, sauta sur une branche d'arbre proche du mur pour s'approcher d'une fenêtre, qu'il força à l'aide de l'un de ses couteaux, et sauta sur le plancher poussiéreux d'une salle vide. Il raccrocha la lame à la doublure de sa veste, éternua, jura encore - bon sang, quand se déciderait-on à faire nettoyer ces salles de réunion ?! Elles n'étaient pas souvent utilisées, certes, mais ce n'était pas une raison pour les abandonner de la sorte ! - et courut à la porte pour s'extirper de cet endroit. Il la referma précipitamment derrière lui, parcourut le couloir du regard jusqu'à repérer la direction des escaliers et prit une profonde inspiration, savourant l'air pur, dénué de poussière, d'acariens et d'odeur de renfermé.
Il se hâta de descendre les trois étages, sans trop forcer toutefois ; apprendre que sa journée lui avait été reprise, au dernier moment et par chance qui plus est, l'avait déjà mis de fort méchante humeur, s'il continuait à courir dans tous les sens à cause de cette histoire, il allait massacrer Sukebe en se présentant à son bureau. D'ordinaire, il se serait soucié du préposé aux missions comme d'une guigne, seulement Sukebe faisait partie des rares collègues qu'il appréciait, et il tenait à rester en bons termes avec lui, dans la mesure du possible. Oh, et accessoirement, il était plutôt mignon, dans le genre ours grognon, avec sa tignasse brune qui débordait de son bonnet, ses cernes et ses regards fuyants, se rappela Haji en arrivant devant le chuunin. Il s'accouda à son bureau pour se pencher vers lui en le saluant.
" 'jour 'kebe."
L'interpellé se tendit légèrement, redressa à demi la tête et lui tendit son avis de mission en évitant soigneusement de croiser son regard. Haji fronça un sourcil et balaya la salle des yeux, repérant sans difficulté le blonde Ura et son grand ami Kento qui les épiaient depuis l'une des tables, celle-ci pour calmer son besoin compulsif de commérage, celui-là pour profiter de l'occasion d'approcher la demoiselle. Il leur adressa son plus large sourire, accompagné d'un regard menaçant, avant de se retourner vers Sukebe et de lui agiter son papier sous le nez.
"Qu'est-ce que c'est que cette embrouille, 'kebe ? J'étais sensé avoir deux jours pour me remettre de ma dernière mission."
Sukebe secoua la tête avec embarras et repoussa maladroitement l'annonce qui menaçait de se cogner à son visage. Ses doigts effleurèrent ceux de Haji dans le processus, et il ramena prestement sa main le long de son corps, à l'abri derrière son bureau. Il leva vers Haji des yeux presque implorants - enfin, Haji le comprenait comme tel, mais il doutait que d'autres personnes dans la pièces soient assez proches de Sukebe pour saisir l'infime changement dans son expression - et marmonna.
"C'est la Hokage qui a décidé de ça, Haji. Le capitaine et Shikamiko t'attendent dehors, je crois."
Sur quoi il rentra la tête dans les épaules, ce qui signifiait que leur discussion était close. Haji ravala le juron qui lui brûlait la langue et se dirigea lentement vers la sortie.

Chemin faisant, il lut plus en détail son ordre de mission, et s'étrangla à demi en arrivant à la mention "ne tuer aucune des cibles". Génial. Absolument génial. En plus de lui échoir un jour de congé, cette mission s'avérait être le genre de travail pour lequel il avait le moins d'affinités - à se demander ce que la Hokage pouvait avoir dans le crâne. Il regarda à peine les noms de ses futurs équipiers - une kunoichi de la ville basse et un capitaine complètement inconnu, à qui il allait faire très mauvaise impression en arrivant avec une bonne heure de retard. Cette mission promettait, vraiment. Enfin, à quelque chose malheur était bon, il avait échappé à son boulet en titre.
Dire qu'en temps normal, il mettait toujours un point d'honneur à arriver le premier aux rendez-vous, songea-t-il avec amertume.

Il s'arrêta à quelques pas de l'entrée du bâtiment administratif, rangea ses consignes et chercha parmi les shinobi qui traversaient la rue ses deux futur-équipiers.

Spoiler:

Taiko et son équipière ne s'étaient pas beaucoup écartés de l'entrée du bâtiment, à peine dix mètres, et la foule qui emplissait la rue peu à peu n'était pas suffisamment importante pour les cacher de ceux qui entraient ou sortaient du bureau de distribution des missions. Cela faisait près d'une heure que lui et Shikamiko attendaient la venue du dernier membre de leur équipe, et l'impatience les gagnaient tous deux. Taiko s'était appuyé contre un mur en croisant les bras et n'avait pas cherché à pousser plus loin la conversation avec la jeune femme : quand elle lui parlait, il lui répondait, mais le reste du temps il fixait l'entrée du bureau, les lèvres serrées ; la ride entre ses deux sourcils s'était creusée à mesure que le temps passait. Quand Haji fit enfin son apparition, le jônin arborait un air renfrogné qu'on ne lui voyait pas souvent. Il avait beau ne pas être quelqu'un de contrariant, il ne supportait pas qu'on le fasse attendre si longtemps, en particulier au moment de partir en mission : le moindre retard pouvait être fatal, quand on était ninja. Comment se faisait-il qu'un type comme le Shigo se montre aussi négligeant?
Taiko se détacha de son bout de mur chauffé par le soleil, pour se diriger vers le nouvel arrivant.

"Haji Shigo ? appela-t-il comme il avait apostrophé Shikamiko un peu plus tôt, Je suis Taiko, le capitaine en charge de l'équipe sur cette mission. Vous êtes placé sous mes ordres pour toute la durée des opérations."

Il ne souriait pas comme à la jeune Nara, son sourire était à peine esquissé et son ton n'était pas des plus chaleureux, mais le jônin s'efforçait de faire bonne figure en dépit de ce retard plus qu'irritant.

"Je peux connaître la raison de votre retard, Shigo ? lui demanda-t-il, Vous avez conscience des répercussions possibles sur la mission ?"

Il attendit la réponse de don interlocuteur, une main enfoncée dans la poche de son pantalon. Ses yeux ne quittaient pas ceux de Haji, et son regard lui signifiait clairement que l'excuse avait tout intérêt à être bonne.

Shikamiko pinça les lèvres, le regard mort, le corps tendu. Il était là. En avant d’elle. Il la terrifiait totalement, lui faisait perdre son sens logique. Elle allait complètement louper cette mission si elle ne se calmait pas maintenant. Elle était une kunoichi, et par-dessus tout, une bonne. Elle avait fait face à de plus grands dangers qu’une petite mission de rang B où il faudrait faire à de minables shinobis du désert, réputés pour leur faiblesse, quoique teigneux. Pourtant, tout son être était paralysé par la nervosité.

*Foutu bâtard ! Je le hais. Je le hais. Je le hais. Je ne croyais pas pouvoir détester quelqu’un autant et pourtant, vouloir tant le connaître. Arrête. Arrête de penser à ça. Pour l’instant, concentre-toi sur ta mission. Si tu te fais tuer à cause d’une étourderie… Sois froide, distante et professionnelle.*

Elle croisa les bras, observant la scène devant elle. La ressemblance avec son père était frappante. Le même port de tête, le même nez, les mêmes traits, une bouche un peu plus pleine peut-être… Son regard semblait distant, quoique moins vide que celui de son paternel.

Un sourire moqueur apparut au coin de ses lèvres lorsqu’elle remarqua l’air de son capitaine de mission. Il faudrait plus que de bonnes excuses pour se mettre dans ses bonnes grâces. Elle ne le connaissait pas beaucoup, mais …

*Humph ! Si j’en crois son air furieux, ce ne sera pas moi qui me taperais le sale boulot, s’il y en a, au cours de la mission. Pourtant je ne vois pas l’avantage de lui faire cracher un quelconque ‘Excusez-moi’, alors qu’on est à la poursuite de ninjas enfuis depuis plusieurs heures. On aurait intérêt à filer vite. *

Haji n'eut pas à chercher longtemps : un homme s'écarta d'un mur pour s'approcher de lui. Il devait s'agir du capitaine Taiko cité dans son ordre de mission. Haji le détailla rapidement. Il était brun et de la même taille que lui, à peu de chose près ; il portait les cheveux courts, des vêtements noirs qui ne découvraient aucun centimètre de peau non réglementaire sous la veste des shinobi de Konoha. Il avait le teint pâle pour lequel certaines kunoichi de la ville haute aurait tué, mais ses cernes et ses joues creuses lui donnaient plus l'air souffreteux qu'autre chose. En bref, il était tout à fait quelconque. Il était sans doute spécialisé dans l'espionnage ou l'infiltration.
Il s'arrêta à deux ou trois pas de Haji pour se présenter, effectivement, comme le capitaine Taiko.

Près de l'endroit où il s'était adossé au mur, une jeune fille se tenait debout, raide comme un piquet, les bras serrés le long du corps. Elle était plutôt jolie, malgré le contraste entre son visage de poupée, ses vêtements féminins et ses genoux écorchés, ses cheveux lâchés, à demi ébouriffés. Il prit conscience qu'elle le dévisageait, avec une expression d'horreur enfantine qui l'intrigua presque. Il avait l'habitude des moue dégoûtée des filles de bonnes familles de la ville basse, pas des regards suintant la haine fascinée. Puis elle croisa les bras avec une énergie superflue, sans doute responsable de l'état lamentable de sa chevelure.
Il rompit le contact visuel avec la fille - comment s'appelait-elle, déjà ? Ah, oui, Shikamiko Nara - et reporta son attention sur le capitaine quand celui-ci exigea des explications sur son retard.

Il ne grimaça pas face au mécontentement de Taiko, même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Il avait appris très tôt à retenir ce genre de manifestations devant des étrangers, du moins quand elles n'avaient rien à lui apporter. En dépit de sa posture décontractée, l'énervement de Taiko suintait par tous les pores de sa peau. Un manque de sang-froid plutôt décevant de la part d'un chef d'équipe, à son avis. Il en prit note mais garda ce commentaire pour lui ; une preuve indiscutable d'insolence n'aurait fait qu'aggraver son cas, et il ne tenait pas à se mettre à dos un capitaine. Il avait toujours mis un point d'honneur à éviter de se faire mal voir de ses supérieurs, et ce n'était absolument pas le moment d'attirer l'attention des autorités sur sa famille. Les relations entre les différentes branches de son clan n'étaient pas au beau fixe, et sa mère jouait une partie dangereuse.
Il pouvait suffire d'un seul cafard rendant visite à sa mère pour que l'idée de la dénoncer vienne chatouiller les esprits des autres chefs de lignées.

Il s'inclina en essayant de rendre son geste le moins machinal possible. La formulation de ses excuses requérait elle aussi de l'attention. Il se demanda quelle phrase serait la plus... appropriée. Les mots couleraient hors de sa bouche sans difficulté, bien sûr. Il ne prenait pas assez à coeur l'opinion de ces gens pour trouver cela humiliant. Ce n'était qu'un rapport d'intérêt, rien de plus, et les mots d'excuses sortaient toujours facilement. Trop facilement. Pour compenser cette aisance verbale, son répertoire d'intonations était dépourvu de l'humilité indispensable dans ce genre de moments. Malgré des années de travail sur le contrôle de ses expressions, sa voix et sa gestuelle restaient incapables de s'adapter à ce genre de circonstances. Il n'avait guère d'autre choix que d'opter pour la neutralité en espérant que les autres mettraient sa froideur sur le compte d'un grand professionnalisme, c'était pour cela qu'il évitait autant que possible d'avoir à présenter des excuse à qui que ce soit.
"J'étais supposé être en congé aujourd'hui. J'ai appris que j'étais convoqué... trop tard. Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour ce retard, capitaine."

Tout en écoutant les excuses formulées par Haji, Taiko jeta un coup d'oeil en coin à la jeune jônin qui l'avait suivi. Cette dernière paraissait mal à l'aise, et cela eut le don de l'irriter un peu plus : ils s'étaient déjà mis en retard, inutile de récolter des problèmes supplémentaires. Taiko s'en voulait de n'être pas parti plus tôt. Plus que la faute de Haji ou, comme il le prétendait, la faute des services administratifs du village, c'était celle du capitaine qui mettait la mission en péril avant même qu'ils ne quittent l'enceinte du village : Taiko savait que lui et Shikamiko auraient dû partir devant, que Haji les aurait rejoints, mais il ne s'agissait que d'une petite heure, le retard pris ne devait pas être si important que ça... Quoi qu'il en soit, il était inutile de perdre davantage de temps en discussions stériles.

"Pfff... bon, allons-y, soupira-t-il en sortant sa main de sa poche après que Haji ait fini de parler, La demeure du seigneur Netamu est plus éloignée de la frontière que Konoha, en partant maintenant nous avons une chance de leur bloquer le chemin."

Sinon, on est parti pour une traque, ajouta-t-il mentalement. Bah, du moment qu'ils n'avaient pas à passer la frontière entre les pays du Vent et du Feu... il n'y avait pas besoin d'incident diplomatique, en ce moment.
Taiko tourna brusquement les talons et, d'un bond, se retrouva sur les toits, se mettant à courir, les bras tendus derrière lui. C'était le moyen le plus rapide de rejoindre le portail d'entrée du village, les deux autres le savaient et le suivraient certainement.
Au fond de lui, Taiko espérait que les fuyards les auraient dépassés. Rien ne saurait le réjouir davantage que de les pourchasser, comme le prédateur traque sa proie... Par bien des aspects, le jônin n'avait rien d'exceptionnel, si ce n'était son penchant pour la "chasse". C'était comme s'il était assoupi le reste du temps et qu'il se réveillait enfin. Une flamme se ravivait en lui, bien différente de celle dont on vantait l'esprit à Konoha ; la sienne avait quelque chose... de jouissif, à défaut d'un autre terme, parce qu'il sentait devant lui sa proie - la cible - tenter de lui échapper, et son plaisir augmentait à chaque instant qui la rapprochait d'elle, jusqu'à ce qu'il la tienne enfin.
Taiko n'avait jamais parlé de cela à personne. Il se demanda si ceux avec qui il avait déjà fait équipe avaient déjà remarqué quoi que ce soit. De toute façon, ça n'avait pas d'importance...
Il arriva très vite aux portes du village et les passa sans s'arrêter, plongeant immédiatement sous le couvert des arbres.